31 octobre 2013, 6 octobre 2016. Entre la mort de son épouse Véronique Pirotton dans une chambre d’hôtel à Ostende et le juré de cour d’assises qui le déclare innocent, l’ex-parlementaire Bernard Wesphael a connu ce qu’il convient d’appeler une épreuve. Longue. Violente. L’homme en est sorti innocent, mais pas indemne. Ce jeudi soir, il donnait une conférence publique – la première de ce type depuis son retour à la vie normale – au Centre Culturel de Welkenraedt dans le cadre de la Journée Nationale de la Prison. L’occasion bien sûr de revenir sur un procès hors normes, qui a mis en lumière certains dysfonctionnements.
De son séjour de 10 mois à la prison de Bruges, en détention préventive, Wesphael veut retenir l’action des gardiens, « dont le rôle social et psychologique est essentiel », les liens tissés avec plusieurs détenus, mais aussi une conviction… « Certaines personnes ne devraient pas se retrouver en prison. Au contact de criminels, des individus sont plus marginalisés en sortant qu’en rentrant. L’argent investi dans les prisons doit davantage servir à la prévention, à la reconversion sociale. En Belgique, on a consacré un milliard d’euros pour construire quatre nouvelles prisons, alors que dans le nord de l’Europe, on en ferme. Le taux de récidive y est moins grand. A Bruges, il est de 70%. Notre système carcéral est à côté de la plaque. »
Autre sujet qui a – logiquement – marqué Bernard Wesphael : l’acharnement d’une certaine presse à le condamner… avant même que l’instruction ne débute. « J’ai été clairement jeté en pâture, poursuit Wesphael. Trois jours après la mort de mon épouse, j’ai été traité d’assassin à la Une de certains journaux. Je respecte totalement la liberté de la presse, mais il importe de légiférer afin d’éviter les abus constatés dans certains médias. J’étais bien sûr le client parfait, homme politique rebelle, mais est-ce une raison pour dépasser toutes les limites fixées par les Droits de l’Homme ? La manière dont l’affaire qui me concernait a été traitée par une partie de la presse a provoqué douleur et souffrance chez mes proches. J’ai même failli mettre fin à mes jours ! Si on permet aux médias d’agir comme certains l’ont fait, on va vers l’abîme absolu… »
Quant procès en cour d’assises, s’il a fait place à « une peur panique, une angoisse permanente », l’oralité de ses débats a aussi permis aux jurés d’aller jusqu’au bout des choses. « Si le verdict avait été autre, je n’aurais pas fait de commentaire, poursuit Wesphael. La vérité judiciaire, c’est la vérité judiciaire. Jusqu’au bout, j’ai craint que le lynchage médiatique dont je faisais l’objet puisse influencer le jury. Mais la cour d’assises permet heureusement aux jurés de prendre de la distance… ».
Reste une question : et maintenant ? « D’abord, je tente de me reconstruire. Je lis. J’écris. Je veux me réinvestir au niveau social et politique. Je prône un retour à la pensée critique et publique. Il n’y a pas de raison que cela s’arrête. Certains auront éternellement des doutes à mon sujet ? Aragon disait : est-ce ainsi que les hommes vivent ? Oui, c’est ainsi. Il me faut donc vivre avec ça. Je suis fier de proposer ce soir une réforme de la justice… ».
Bernard Wesphael n’en dira pas plus sur ses projets politiques, mais l’homme semble avoir repris le train en marche. Pendant deux ans, il s’est tu. L’heure est désormais à la parole. Ce que le public, nombreux, du Centre Culturel de Welkenraedt a pu apprécier ce jeudi soir… (V. Franssen)