L’ancien patron de la FGTB de Verviers s’est éteint des suites d’une longue maladie, à l’âge de 93 ans. Evocation d’une carrière hors norme.
C’était un temps où le « CHR Verviers East Belgium » s’appelait simplement « Grand Hôpital » et où Raymond Marly, alors président du C.P.A.S., veillait à ses destinées. Tout était grand à Verviers à l’époque, du théâtre au bazar, en passant par l’hôpital, comme on vient de le dire. Et dans cette ville qui négociait le tournant de la reconversion après la toute aussi grande époque de la laine, ils étaient quelques-uns, sur la place publique ou dans l’ombre, à conduire le destin de notre cité. Raymond Marly était de ceux-là. Celui qui fût secrétaire général du Setca et président de la Régionale de la F.G.T.B., était à mi-chemin entre syndicalisme et politique locale. Il était sur tous les fronts. Il nous avait avoué que, précisément, entre politique et F.G.T.B., c’était cette dernière qui primait. Il avait refusé une carrière de parlementaire et ne l’avait jamais regretté.
Raymond Marly, c’était d’abord une fulgurante intelligence. Une connaissance pointue des dossiers, que ce soit celui du thermalisme social ou d’HDB, entre autres. Un syndicaliste qui connaissait son métier sur le bout des ongles, équilibriste talentueux qui était capable de passer d’un registre à l’autre, le rapport de force ou celui d’intelligence, avec l’art consommé de pouvoir faire atterrir les dossiers du bon côté.
L’homme aurait dû faire du théâtre, assurément. Sous les projecteurs, toujours tiré à quatre épingles, arborant sa fière moustache, avec un sens inné de la formule, il pouvait dézinguer au scalpel. Il ne s’en privait pas. La joute verbale était son terrain de jeu, l’humour son arme fatale. Le « seul en scène » ne l’intéressait pas, il préférait de loin la subtilité des dialogues.
C’était ainsi un redoutable duettiste. Ceux qui ont connu cette époque se souviendront des passes d’armes entre lui et André Damseaux, au Conseil Communal de Verviers, où chacun rivalisait de la meilleure saillie et où ils se donnaient, avant la séance, le défi de placer tel ou tel mot dans leur intervention. Duettiste aussi avec son compère Eddy Delvenne, le patron de la CNE, sur le front de tant de luttes syndicales, où leurs caractères si différents se complétaient admirablement. Quand Raymond Marly et Eddy Delvenne invitaient la presse, on savait que ce serait du lourd, que rien ne serait laissé au hasard.
Avec le temps, Raymond Marly reconnaissait souffrir de ne plus trouver, en fin de carrière, des interlocuteurs à sa mesure. Beaucoup de nos entreprises avaient des actionnaires géographiquement lointains, et le patronat n’était plus sur le terrain verviétois, à portée de lutte.
Je me souviens, en 1987, du premier contact que j’ai eu avec lui. Un conseil communal couvert comme jeune stagiaire au « Jour- Le Courrier », un article sur la suppression des « lits S » aux Heures Claires à Spa, son intervention lors de la séance. Mon tout premier article sur le terrain local. Et lors du conseil communal suivant, Raymond Marly qui prend la peine de se lever de son siège lors d’une interruption, de venir simplement dire au stagiaire venu de nulle part qu’il avait apprécié la fidélité du compte-rendu de ses propos dans son article.
Quand il quittait le haut du pavé, et qu’on le croisait en dehors de son métier, à l’occasion d’un repas par exemple, on découvrait aussi que, derrière ce bretteur de premier ordre, se cachait un homme sensible, pudique et sujet à l’émotion. Mais très vite, il se reprenait et vous assénait une de ses inimitables chansons russes, roulant les « r » , façon Général Dourakine. Il était déjà remonté sur scène. C’est aussi pour cela qu’on l’appréciait. ( Urbain Ortmans)