Les différentes crises du lait ont mis en lumière les difficultés rencontrées par les agriculteurs. Elles ont aussi permis à des initiatives équitables de se développer à l’image de la coopérative Biomilk.be. Des producteurs de lait bio qui ont décidé d’associer leur nom à celui d’une grande surface. C’est loin d’être courant, ça pose même question.
Audrey Degrange
Trois millions de litres de lait épandus dans les champs, les images ont fait le tour du monde. Ce geste de colère et de désespoir a tout juste 10 ans. Les crises, elles, se sont poursuivies et les producteurs ont dû survivre. Nombreux sont alors ceux qui décidèrent de se diversifier ou de se tourner vers le bio. C’est le cas de Luc Hollands voici 8 ans "Le bio m’a permis de reprendre ma liberté. De ne plus être dépendant des multinationales, explique-il. Je voulais vraiment faire des produits qui sont locaux et qui fassent perdurer l’agriculture familiale."
Cette philosophie, une quarantaine de producteurs bio belges certifiés ont décidé de la concrétiser au travers d’une coopérative baptisée Biomilk.be. Sa plus value, à l’image d’autres coopératives équitables, est d’assurer à ses membres un juste prix pour des produits de qualité, respectueux de l’environnement et qui soutiennent l’économie locale. "Quand on est sur de la petite production, on prend le chemin le plus proche de la ferme. Donc mon lait ira à Herve, celui d’un autre à Rochefort, etc."
Mais depuis un an, c’est aussi sous le nom de la marque d’une grande surface que l’on peut acheter le lait bio de la coopérative. 5 millions de litres soit 1/3 de la production est ainsi écoulée. Se pose dès lors la question, l’alliance serait-elle contre nature ? "Oui, sauf qu’avec Delhaize, on est vraiment sur un partenariat respectueux. Toutes les autres grandes surfaces ergotaient sur les prix. Ici, l’enseigne voulait aller plus loin. Elle voulait du local, de la qualité et surtout une traçabilité, ce que nous pouvons offrir", détaille Luc Hollands.
Une authenticité et c’est une petite révolution qui se retrouve aussi sur le packaging. Autre nouveauté, un dialogue constant avec l’enseigne qui va jusqu’à adapter ses promos en fonction de la productivité des vaches."On leur a expliqué que les vaches avaient des pics de lactation. L’enseigne nous a alors dit qu’elle ferait des promotions à ces moments-là. En clair, un 4+2 gratuits ne nous pénalisent pas. Nous sommes rémunérés comme d’habitude entre 0,45 et 0,50€ le litre."
On l’entend le win win semble total même si la vigilance reste de mise. Reste la question du consommateur, quel lait doit-il choisir ? "Le consommateur qui ne croit pas au bio doit aller clairement vers des laits équitables et non vers l’industriel. Ceux qui veulent aller plus loin, avoir une démarche durable doivent vraiment se poser la question. C’est à chacun de voir en son âme et conscience."
Et de souligner enfin, au risque de passer pour un extrémiste, que consommer bio, c’est faire un pied de nez à l’ouverture des marchés. "Je me qualifierais plutôt comme un résistant à la mondialisation. Avec le Mercosur et le CETA, les produits vont directement se mélanger avec la filière conventionnelle. Avec le bio, c’est impossible."
Cet engagement, Luc Hollands vous invite à en discuter chez lui tous les samedis matin à 9h30 sur rendez-vous.