C’est un débat intéressant qui a eu lieu devant le tribunal correctionnel, concernant l’utilisation de pseudos sur Internet. En effet, peut-on être accusé de débauche de mineur lorsqu’on a affaire à un avatar ? La défense dit que non et réclame l’acquittement du prévenu, qui risque d’un autre côté 4 ans de prison. Dans un premier temps, le tribunal a décrété qu’il n’y avait pas lieu de déclarer l’irrecevabilité des poursuites réclamée par la défense.
Le 6 mai dernier, une association basée en Nouvelle Calédonie et luttant contre la pédopornographie envoie à notre police un dossier épais de 180 pages démontrant qu’un certain Jean, âgé de 71 ans, a pris contact avec une certaine Manon dont l’âge affiché était de 14 ans et a développé avec elle de longs échanges sur des sujets litigieux. C’est ainsi que d’emblée il évoque sa passion pour le naturisme, lui parle de sa poitrine, de menstruation, d’épilation, lui envoie des photos dénudées, dont une fille de 9 ans qu’il dit être sa fille. Evidemment, cette Manon n’était qu’un avatar, créé spécialement par l’association pour dénicher des vicelards de cette espèce.
Comparaissant détenu devant le tribunal sous l’accusation de débauche de mineure, ainsi que de détention et de diffusion de matériel pédopornographique, il avait eu une défense particulièrement hypocrite : « J’ai été abusé par une organisation. C’est elle qui m’a contacté. Je suis veuf, et je fais partie d’une communauté proche des Salésiens ( ?), et pour nous, l’avenir c’est la jeunesse, c’est pour ça que je l’ai acceptée. » Mais aux questions précises du tribunal, il était resté évasif et souvent muet. Ainsi, lorsqu’on lui demande, alors qu’il prétend avoir souvent bloqué des mineurs d’âge, pourquoi il n’a pas bloqué Manon, il n’a pas pu l’expliquer. Mais il avait fini par admettre que son comportement n’avait pas été très correct.
Mauvaise foi et perversité
Une défense que Mme Lanza qualifiait de mauvaise foi, et son attitude de malsaine et intrusive. Il ressort du dossier que c’est bien lui qui a contacté le (faux) profil de Manon et s’est intéressé très vite à sa sexualité, alors qu’il a affirmé d’abord avoir été piraté. On a découvert dans son GSM quantité de photos à caractère sexuel, dont 73 fichiers pédopornographiques qui ont été partagés. Il a demandé une photo de Manon nue, et tout ça en prétendant qu’il agissait dans un but éducatif et de protection de la jeunesse. L’expertise qualifie son comportement de pervers, avec un important risque de récidive. C’est pourquoi elle réclamait 4 ans de prison.
Mais la défense de Me Delbouille n’était pas d’accord. « Sa détention est abusive. Cette Manon n’existe pas, donc on ne peut pas dire qu’il a débauché une mineure. Il a été victime d’une réelle provocation, et il n’y a aucune forme de passage à l’acte". C’est pourquoi il réclamait son acquittement pur et simple,en invoquant l’irrecevabilité des poursuites pour provocation. Ce que, dans un premier temps, le tribunal a réfuté. Mais il a réservé son jugement pour une audience ultérieure, en ordonnant une expertise psychologique du prévenu au préalable. (Luc Brunclair)