L’information qui nous a été fournie hier dans l’affaire dite du « cycliste des Fagnes », n’était que partielle. Si le tribunal a décidé une réouverture des débats, qu’il a fixée au 2 avril, c’est uniquement pour fixer l’indemnité due au cycliste. Car le tribunal lui a donné raison : il y a bien atteinte à sa vie privée en publiant la vidéo sur les réseaux sociaux.
Le 25 décembre 2020, un cycliste était arrivé à vitesse soutenue sur un chemin enneigé des Fagnes et avait bousculé un enfant d’un coup de genou. La petite fille était tombée dans la neige, sans aucun dommage cependant, tandis que son papa filmait la scène par hasard. La vidéo de l’incident avait alors été publiée sur Facebook par le papa. Elle avait été partagée massivement, suscitant une indignation quasiment nationale. L’homme avait même passé 24h en cellule. L’affaire a été jugée et le cycliste, reconnu responsable d’avoir roulé trop vite et d’avoir bousculé involontairement la petite, avait toutefois obtenu une suspension du prononcé Mais l’affaire avait rebondi devant le tribunal civil.
Car le cycliste, ébranlé par l’emballement médiatique de cette malheureuse affaire, a répliqué devant la justice, estimant que le papa de la fillette lui avait causé un tort énorme en diffusant cette vidéo. Il a donc demandé au tribunal civil un dédommagement de 4.500 euros, soit le prix de son vélo avec lequel il n’osait plus sortir tant celui-ci était reconnaissable. L’affaire a donc été plaidée longuement devant le tribunal civil, un débat qui s’est situé dans le difficile et délicat équilibre à trouver entre le droit à la liberté d’expression et celui de la protection de la vie privée, considérés comme étant égaux. Me Culot, l’avocat du cycliste, avait plaidé sur base de la législation européenne des droits de l’homme, qui dit que la liberté d’expression n’est pas absolue. « Non, il n’a pas publié cette vidéo pour susciter un débat d’intérêt général, mais par action-réaction, 1h37 après l’incident, en demandant de la partager, ce qui a donné lieu à un emballement populaire démesuré, et il a même refusé de la retirer. Le débouter équivaudrait à dire qu’on peut publier tout ce qu’on veut et n’importe quoi sur les réseaux sociaux, en toute impunité. »
Une plaidoirie qu’a suivie le tribunal en disant que la publication de la vidéo était fautive et donc une atteinte à la vie privée du cycliste. S’il a ordonné une réouverture des débats, comme cela nous avait été signalé, c’est uniquement pour débattre de l’indemnité due au cycliste.
(Luc Brunclair)