Le tribunal correctionnel est souvent le théâtre de scènes de la vie réelle, qui se déroulent à l’écart du grand public. Pas souvent reluisantes, certes. Et il arrive que le tribunal ait affaire à de fameux énergumènes. Telle cette secouriste de 63 ans qui par deux fois s’est instituée « chef du protocole des urgences » au mépris des ambulanciers et des policiers. Ce qui lui a valu une comparution devant le tribunal pour rébellion, outrages et coups à agent.
Anne est une dame de 63 ans qui dit avoir son brevet de secouriste, obtenu sans doute il y a bien longtemps. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’a pas sa langue en poche et ne manque pas de toupet. « Les accusations portées contre moi sont ridicules et blessantes » commence-t-elle fort lorsque qu’on lui dit ce qu’on lui reproche. Celles-ci portent sur deux scènes spécifiques où la dame a été amenée à intervenir « en urgence » spécifie-t-elle.
La première a lieu place de la Victoire, à Verviers, où une dame visiblement éméchée a un problème. « J’étais la première sur place, et j’étais à son chevet lorsque les ambulanciers sont arrivés. La dame se débattait. Un des ambulanciers gueulait sur elle. Je lui ai fait remarquer. C’est alors qu’un policier m’a dit de m’écarter, de laisser tranquille les professionnels. Comme je n’obtempérais pas, le policier m’a traînée sur plusieurs mètres et m’a fait mal. Je me suis dégagée, mais je n’ai jamais donné de coup au policier, à quiconque d’ailleurs, car je respecte les 10 commandements ! »
La médecine passe avant la police
« Mais pourquoi n’avoir pas laissé faire les ambulanciers, des professionnels des secours d’urgence qui font ça tous les jours? » l’interroge le juge. C’est alors qu’elle a cette réplique : « en cas d’aide médicale urgente, c’est le premier sur place qui est en charge. C’est moi qui étais la chef du protocole (une expression qu’elle répétera à plusieurs reprises). La police n’avait pas à intervenir, la médecine passe avant la police » !
La deuxième scène se déroule pendant les inondations de juillet 2021. « Je n’ai pas arrêté de travailler pendant une semaine. Je suis rue Spintay quand une jeune fille vient me trouver, se plaignant de brûlures à la jambe. J’appelle une ambulance, et la gamine est soignée sur place. C’est alors qu’un policier veut qu’on l’emmène à l’hôpital, et j’ai dit, en tant que chef du protocole, que ce n’était pas nécessaire. Il m’a alors repoussée brutalement sur plusieurs mètres. Alors, oui, j’ai dû le traiter d’imbécile ou de connard, les deux seuls mots que je me permets car je suis bien éduquée ».
Pour Me Wéry, ministère public, on affaire à une dame qui se mêle des interventions des ambulanciers au nom d’un prétendu protocole qui n’existe que dans son esprit. Elle a même exigé que les policiers en cause soient suspendus. Elle a des problèmes partout où elle passe, notamment avec ses voisins. Elle réclame trois mois de prison.
Mais pour Me Wynants, Anne est quelqu’un qui s’investit beaucoup pour les autres et se sent investie de responsabilités, mais ce n’est pas une délinquante qui mérite la prison. Elle sur réagit parfois, au risque de dériver dans des proportions inadéquates. Il suggère pour elle une suspension du prononcé. Jugement en septembre. (Luc Brunclair)