Anne Zinnen est la Directrice de la maison du tourisme du Pays de Herve. La pandémie du Covid19 a frappé de plein fouet tout le secteur touristique de notre région. Qu’importe, elle ne baisse pas les bras et prépare déjà la rentrée de septembre, dans l’espoir que la fin de cette année viendra compenser cette période secouée. En quelques jours, elle a mis tout en place, avec une méthode structurée de télétravail.
-Anne Zinnen, une semaine après, comment se passe votre confinement ?
Plutôt bien ! Les choses se mettent en place tant d’un point de vue familial que professionnel : le grand est rentré du kot, les fêtes des 18 et 20 ans de mes fils sont reportées, le mariage de ma sœur également, maman vit chez son amie à Herve et le télétravail est organisé …
Nous vivons à la campagne, avons un grand jardin et entendons les oiseaux qui chantent, tout ce qu’il faut pour vivre le confinement relativement sereinement.
-Comment s’organise une journée type pour vous ?
Quasiment de la même manière que lorsque je suis au bureau. Allez… je gagne quand même une petite demi-heure de sommeil, mais finalement, j’ai gardé le rythme… J’ai lu la semaine dernière les conseils pour effectuer du bon télétravail : même rythme, même tenue de travail que d’habitude, un bon environnement pour bureau, une organisation et une planification au top et des pauses si besoin !
Donc, je me lève vers 7 heures 30 et je suis devant mon PC vers 8 heures 30. Vers 9 heures , j’envoie un "good morning" à l’équipe et je reste connectée toute la journée. Comme tous les jours, je déjeune avec mon mari. Par contre, je n’attends pas mes fils… Il paraît que les jeunes ont besoin de beaucoup d’heures de sommeil. Mieux vaut prendre cela avec philosophie !
Nous mangeons vers 13 heures en famille et je me remets au travail dans la foulée. Je termine en général vers 18 heures puis je change de casquette et je me mets aux fourneaux.
En soirée, j’ai regagné du temps car je n’ai plus de réunion. Nous suivons comme toujours l’actualité, regardons un bon film, faisons un peu de rangement,… Et je me suis même remise à la belote !
-Qu’est-ce qui vous manque le plus ?
Pour le moment, je dois rester honnête, pas grand-chose ! Je suis chez moi, dans une grande maison lumineuse, avec mes proches et nous ne manquons de rien. De plus, à notre époque, nous pouvons nous voir, nous entendre, nous lire 24 heures sur 24. Ce n’est bien sûr que virtuel mais imaginez-vous cette crise il y a 30 ans d’ici !
Bien sûr, je sais que d’ici quelques jours, le fait de ne pas pouvoir aller où je veux, quand je veux, finira par me peser. Je me réjouis déjà de pouvoir organiser les anniversaires de mes fils, d’aller boire des verres avec mes amies, de voir nos petites-filles, de rencontrer mes collègues du tourisme…
-Une épidémie d’une telle ampleur, cela suscite quoi, chez vous, comme réflexion ?
Que le monde est un petit village et que nous sommes très vulnérables… Que nous avons la chance de vivre en Belgique avec un système de soins de santé performant ! Que la solidarité est bien présente !
-Cette pandémie montre toutes les faiblesses de la mondialisation : c’est le retour des circuits courts ?
Nous l’avons tous constaté… Le retour vers les circuits-courts était déjà bien amorcé. Cette crise ne fera que l’accentuer encore. Il restera aux producteurs à fidéliser leur clientèle et aux citoyens à garder leur nouveau cap.
-Pour le tourisme, c’est une catastrophe : comment voyez-vous évoluer la saison 2020 ?
Effectivement, c’est une catastrophe ! Pour le tourisme vers l’étranger d’une part et pour le tourisme local d’autre part.
Pour le tourisme vers l’étranger, je crains que la saison 2020 soit destructrice. Comment certains secteurs vont-ils se relever d’une crise aussi grave ? Sans compter la méfiance dont la clientèle va avoir du mal et va mettre du temps à se défaire !
Localement, nous subissons les annulations de nombre d’excursions organisées par nos services et ce quasi jusqu’en juin. En cascade, nous devons évidemment annuler toutes les réservations auprès des prestataires locaux : producteurs de terroir, musées, restaurateurs, sites touristiques,… L’annonce d’annulation de grands événements comme les JO durant l’été, ne rend évidemment pas la population et les responsables de groupes très optimistes… J’espère cependant que nous pourrons reprendre le cours des choses en septembre et refaire ainsi appel à nos guides pour accueillir de nombreux groupes dans la région.
Du côté des hébergements touristiques, nous avons transmis début de semaine à tous les propriétaires d’hébergement, l’interdiction totale d’accueillir des touristes jusqu’au 5 avril au minimum. Je crains que l’interdiction soit évidemment prolongée durant les vacances de Pâques… L’année 2020 sera sans aucun doute à oublier au plus vite pour beaucoup ! J’ai pourtant envie de croire que le second semestre pourrait un peu sauver les meubles. Les touristes ayant l’intention de changer d’air durant les vacances de Toussaint, de Noël ou les longs week-ends ne vont-ils pas se tourner vers du tourisme local ? Si certains en doutent encore, pour le faire personnellement chaque année, la vie en gîte durant quelques jours à quelques kilomètres de chez soi offre un dépaysement garanti !
-Quelles mesures avez-vous prises à la Maison du Tourisme ?
Le mercredi 11 mars, le personnel a été équipé de produits désinfectants pour son poste de travail. Et dès le vendredi 13 mars, chacun a été prié de rester à son propre poste sans plus aucun échange comme cela peut se faire parfois pour diverses raisons. Rampes d’escalier, poignées de portes et tout ce qui était susceptible d’être contaminé étaient désinfectés dans les règles. Dès le 18 mars, deux employées testaient leur connexion en télétravail. Et depuis le 19 mars midi, le reste de l’équipe (soit 6 personnes) les a rejointes. Chacune est partie avec son matériel informatique complet et a reçu une liste de tâches pour la période de confinement. Tous les matins, nous nous connectons. En journée, nous échangeons par mail et le soir, je reçois un petit rapport journalier de chacune. Nous profitons de cette période de confinement pour travailler sur le nouveau site web de la maison du tourisme, pour faire du rangement informatique, pour avancer sur des dossiers mis un peu en suspens,…
-Quel sera le message à la fin du confinement pour faire revenir les touristes ?
Le Pays de Herve… c’est un dépaysement garanti !
-Quel impact financier la situation aura-t-elle sur les finances de la Maison du Tourisme ?
Notre maison du tourisme, comme toutes les autres, vit notamment de ses subsides de fonctionnement et des quote-part des communes. Au Pays de Herve, d’autres rentrées financières sont générées par une série de services annexes développés au fil des ans par l’équipe. Parmi ces services, je citerai la location de vélos, la vente d’ouvrages touristiques et de produits du terroir, la projection multimédia Espace des Saveurs, l’organisation d’excursions,… Le printemps est en général une période de reprise en force de ces services. Les finances s’en ressentiront inévitablement… Pourtant, je pense que nous pourrons nous appuyer sur une bonne santé financière.
-Etre confiné, c’est le contraire de l’invitation au voyage : et si vous deviez faire aujourd’hui un voyage, ce serait lequel ?
Il y en a tellement que j’aurais encore voulu faire… Avant cette crise… En effet, comment ne pas être secouée par tout ce qui se passe en ce moment ? J’adore voyager ! Mais est-ce raisonnable ? Alors si je pouvais n’en choisir ne fut-ce qu’un seul, ce serait de retourner à Cuba (j’y suis allée en 2001).
-Que lisez-vous actuellement ?
J’adore lire mais la plupart du temps, j’oublie le titre ce que je suis en train de lire ! Depuis que mes amies m’ont offert une liseuse, je peux lire à tout moment, même en pleine nuit sans réveiller mon mari ! Je demande des conseils aux bibliothécaires de la bibliothèque de Thimister et je télécharge sur ma liseuse ! (Je suis montée voir ce que je lis). Pour le moment, je lis «Après la fin» de Barbara Abel…
-Décrivez-moi le paysage que vous voyez de votre fenêtre ?
Une grande pelouse bien verte (les amis appellent ça le "golf de mon mari" car il veut que la pelouse soit impeccable) et des haies ouvrant sur notre prairie où notre pommier a été terrassé lors de la dernière tempête… et (pour faire plaisir à mes fistons) une terrasse bien propre qu’ils ont nettoyée de leurs petites mains ???? !
Propos sucscités par Urbain Ortmans et diffusés le 26 mars 2020