Freddy Herbrand est sans aucun doute le régional qui connait le mieux le Qatar, de l’intérieur. Ce décathlonien, qui a participé aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968 et ceux de Munich en 1972 avec une 6ème place à la clé, a longtemps détenu le record de Belgique du décathlon, tout en cumulant de nombreux titres de champion de Belgique en saut en longueur, saut en hauteur, sur le 110 m haies, triple saut et évidemment en décathlon. Une carrière qui l’a mené à prendre les rênes de l’athlétisme qatari dès janvier 1977 avant de devenir directeur technique de la fédération d’athlétisme du Qatar, une longue histoire de 33 ans, jusqu’en 2010 donc.
S’il ne nie pas les difficultés pour un pays comme le Qatar de se moderniser en termes de droits de l’homme ou du droit du travail, il nuance les propos généralement relayés à grande échelle par les médias à travers le monde. « On fait un faux-procès au Qatar. Ce ne sont pas les autorités qui ont imposé des règles strictes en faveur des travailleurs, mais les entreprises qui embauchent ces travailleurs étrangers, dont de grosses sociétés belges d’ailleurs, qui ne respectent pas les lois. Le problème actuel c’est que le Qatar manque de personnel pour contrôler les chantiers », nous explique-t-il dans une longue interview. « Il y a eu des morts sur les chantiers, par le passé, notamment pendant le Ramadan, quand les ouvriers musulmans ne mangeaient pas et ne buvaient pas de toute la journée sous des chaleurs de 50 degrés. Là il y avait des drames. Mais cette époque-là est révolue », analyse Freddy Herbrand à notre micro.
On aborde aussi d’autres polémiques, notamment autour de l’impact carbone de cette Coupe du monde et des stades climatisés, mais aussi le foot lui-même, dans un pays qui ne semble pas, aux yeux des occidentaux, particulièrement développé autour du ballon rond. « Pourtant il y a déjà eu des résultats, notamment en équipes espoirs. Le Qatar dispose aussi, via l’Aspire Academy, concept que j’avais suggéré à l’époque, d’un environnement exceptionnel pour le développement des sportifs de haut niveau », confie encore Freddy Herbrand. Qui regardera la Coupe du monde de football, avec un bon verre, dans son divan, chez lui, « mais ne me demandez pas jusqu’où ira le Qatar à cette Coupe du monde, je ne pense pas que ses résultats seront à la hauteur des efforts qu’ils ont consentis », sourit-il.
Pour reconstituer les liens de ce Malmédien connu et reconnu dans le monde du sport belge, il a notamment reçu le Trophée du Mérite sportif en 1970, avec le Qatar, il y a quelques éléments à rappeler sur son histoire.
Au fil de ses périples dans ce pays du Golfe Persique, il a noué des liens étroits avec l’émir Al Thani, qui a découvert la région de Malmedy à l’occasion de chasses organisées par le Malmédien. Depuis lors, l’émir a effectué de nombreux investissements immobiliers, gérés sur place, pendant de longues années, par Freddy Herbrand lui-même. L’émir et sa famille disposant d’une somptueuse propriété, pas loin de la piscine communale, cachée des regards indiscrets par une très haute haie.
On se rappellera aussi le cadeau fait au club d’athlétisme malmédien, pour remercier Freddy Herbrand, au travers d’une toute nouvelle piste d’athlétisme, inaugurée en juin 2018, pour un coût estimé - et tous frais payés en ligne directe par l’émir – d’un peu plus d’1,6 million.
Et si Freddy Herbrand connait comme personne d’autre la vie au Qatar, tout en donnant légitimement son avis et son point de vue sur l’emballement médiatique autour de la future Coupe du monde, on doit reconnaître qu’il n’a bien sûr pas partagé la vie des ouvriers pakistanais, philippins, indonésiens ou autres qui ont sué sur les chantiers de construction des stades, pour ne parler que de ces chantiers. Mais sa voix rejoint celle d’autres défenseurs de ce pays, malgré tout en avance dans le respect des droits humains, en comparaison - seulement - avec les autres pays voisins dans cette partie du globe. (O.T.)