Depuis quelques jours d’énormes engins s’activent au milieu de la Fagne dite des Deux séries. Plantées au milieu de nulle part, ces grues mécaniques oeuvrent à la restauration des milieux tourbeux.
Mais quel est l’intérêt de faire revivre ces milieux qui avaient pour ainsi dire quasi disparus chez nous?
"Ici sur le haut plateau ardennais - nous précise Pascal Ghiette, Attaché scientifique au SPW - Département de l’Etude du Milieu Naturel et Agricole - ce que l’on appelle le climax càd la végétation qui est en équilibre avec le type de sol et le type de climat, ce sont les tourbières. Ici, avant que l’homme n’intervienne, c’était couvert de tourbières et c’est l’exploitation de la tourbe et le drainage pour planter des résineux qui les ont fait disparaître donc les restaurer c’est revenir vers les écosystèmes qui étaient à l’origine ici sur le plateau."
La restauration des milieux tourbeux consiste ici dans un premier temps à éliminer la molinie.
"On est en train de faire des décapages - poursuit Pascal Ghiette - donc la machine retire une couche superficielle de tourbe; crée un petit gradient de pente ce qui permet l’installation d’un gradient d’humidité, donc en retirant la molinie qui envahit tout quand on assèche les tourbières et bien cela laisse une possibilité aux espèces typiques des tourbières comme les sphaignes, les linaigrettes de revenir et de petit à petit reconstituer des tourbières".
Didier Emplit travaille avec son entreprise depuis plus de 10 ans sur ce type de chantier, des chantiers qui demandent un sacré savoir faire. Pour ne pas endommager davantage le sol, la grue est ici posée sur des radeaux métalliques.
"La tourbe est tellement molle qu’il serait impossible de mettre la machine. Si je descends des plateaux, la machine s’enfonce de plusieurs mètres peut-être, tout dépend de l’épaisseur de la tourbe. C’est impossible de travailler sans les plateaux. On travaille ici, par couche, pour ne pas prendre de trop. Il ne faut pas que l’on enlève les graines qui sont plus bas. Il faut aussi qu’on garde une pente légère pour que l’eau puisse revenir. La technique n’est pas très compliquée."
Ces restaurations ont démarré il y a trente ans d’abord à titre expérimental ensuite dans le cadre des projets Life financés par l’Europe. Aujourd’hui, elles se poursuivent grâce aux subsides en grande partie régionaux dans le cadre du Programme wallon de développement rural et les résultats sont plus qu’encourageants comme nous le confirme Pascal Ghiette.
"Alors c’est très lent parce que tout ce qui se passe au niveau des toubières sont des phénomènes excessivement lents. Les premiers stades de recolonisation par les sphaignes et les linaigrettes sont eux assez rapides, ça vient dès les premières années. Après, pour le dépôt de tourbe c’est tout à fait autre chose et si on veut vraiment revenir sur une tourbière haute, là c’est plutôt en siècles qu’il faudra compter".
Les Fagnes comptent à elles seules environs 150 hectares de zones tourbeuses restaurées. Dans les prochaines semaines, ce sont plusieurs dizaines d’hectares supplémentaires qui viendront ainsi s’ajouter pour le plus grand bonheur des grues cendrées de plus en plus nombreuses à s’arrêter chez nous mais aussi d’une foule d’autres animaux qui ont fait leur réapparition grâce à la restauration de leur habitat. (Abi)