Le groupe Baronie qui gère la Chocolaterie Jacques à Eupen l’avait annoncé en octobre dernier, le site fermerait ses portes définitivement ce vendredi 17 mai. Aujourd’hui, une page de l’industrie du chocolat verviétois se tourne. Laissant une soixantaine de travailleurs sur le carreau.
Audrey Degrange
Une journée aussi triste que la pluie, ces mots entendus ce matin sur le site de la chocolaterie résument à eux seuls l’ambiance qui régnait sur place. A l’intérieur, où il nous est interdit de filmer, seule une dizaine de travailleurs prestent encore leur journée. Les dernières heures pour nettoyer des machines définitivement à l’arrêt. Après 123 ans d’existence et des dizaines d’années de carrière, les coeurs sont lourds. "C’est quand même dur, nous confie émue Manuela Negrin, Déléguée FGTB. J’ai fait l’après-midi hier et en me levant ce matin à 6h, c’était quand même assez pénible. A l’intérieur, il y en a qui pleure." Même ressenti pour Eric Kistermann, Ouvrier crémier depuis 20 ans " On a vraiment le sentiment d’avoir été trahis donc on essaye de rigoler entre nous une dernière fois mais plus les heures avancent, plus c’est dur."
Trahis et enterrés comme ce cercueil recouvert de la marque Jacques et de ses célèbres bâtonnets qui trône devant l’entrée. Du chocolat qui sera toujours produit mais dorénavant à Bruges où le groupe Baronie possède une autre usine. L’amertume est grande, aucune chance n’a été donnée au site eupenois jugé pas assez rentable et dont on détricotait l’outil au fil des années. "Mon sentiment, c’est une rancune profonde contre la direction s’emporte Manuela Negrin. On a été traités comme des chiens et annoncer une fermeture comme celle-ci alors qu’on a 12 millions de bénéfices, je peux vous dire que je suis en colère!"
Mais la Chocolaterie Jacques, ce n’était pas qu’une entreprise. C’était aussi un musée où plus d’un siècle d’histoire gourmande défilait sous les yeux. On sait maintenant qu’il sera lui aussi délocalisé. "J’aurais préféré qu’il reste en Wallonie, à Verviers où l’histoire du chocolat démarre mais non il part lui aussi en Flandres et après on dit qu’il n’y a pas de boulot ici mais tout part en Flandres, on nous ment, ça n’arrête pas. Quelque part, je suis soulagée de partir car j’en ai ras-la-patate!" poursuit la déléguée FGTB.
55 travailleurs se retrouvent aujourd’hui sans emploi. Les représentants syndicaux tentent au mieux de les reclasser. "On a des contacts avec une entreprise de la région mais je ne préfère pas en dire plus", conclut Manuela Negrin.
Depuis 1896, le chocolat Jacques était le fleuron de toute une région. Il inspirait confiance et qualité. Ce soir, il a irrémédiablement un goût saumâtre.